Suite à la décision du Collège communal du 18 mai 2020 « d’interroger la ministre de l’Environnement du Gouvernement wallon sur les mesures prises par la Région pour garantir le respect de l’évaluation préalable des incidences environnementales du déploiement de la 5G conformément à la déclaration de politique régionale wallonne 2019-2024 et de lui demander de faire remonter en classe 2 les futures antennes destinées à la 5G », le groupe Ecolo souhaite reprendre les interrogations du Collège et les porter plus loin, en faisant adopter par le Conseil communal tout entier la prise de position qui suit.
Comme vous le verrez, nous proposons un texte qui va au-delà des excellentes considérations et demandes du Collège, tout en reprenant in extenso ces considérations et demandes.
En effet, après relecture de la Déclaration de politique régionale, nous estimons que les demandes doivent être faites non seulement à la ministre de l’Environnement du Gouvernement wallon, mais également à celle de la Santé (puisqu’il s’agit aussi d’une question de santé publique), à celui de l’Economie (puisqu’il s’agit aussi d’une question économique) et à l’Autorité (fédérale) de protection des données (puisqu’il s’agit aussi d’une question de protection de la vie privée).
D’autre part, le Gouvernement fédéral ayant autorité sur l’IBPT, il est évident qu’il doit également être interpellé.
Au vu de l’ensemble des considérations du Collège et des quelques considérations ajoutées par notre groupe, nous estimons que le projet de prise de position doit aller plus loin que la simple formulation de demandes et doit exprimer clairement le refus du déploiement de la 5G aussi longtemps qu’une série de garanties ne sont pas données.
Notre projet de délibération propose au Conseil communal :
Article 1 : De s’opposer au déploiement de la technologie 5G sur son territoire tant que des études approfondies sur ses effets sur la santé humaine et sur l’environnement, menées par des experts indépendants et sur une période suffisante pour offrir le recul indispensable à toute décision réfléchie ne sont pas produites ;
Article 2 : D’exercer au besoin toutes les voies de recours qui s’offrent à lui dans ce but ;
Article 3 : De demander au Gouvernement fédéral d’annuler la procédure lancée par l’IBPT en vue d’octroyer des droits d’utilisation provisoires de la bande de fréquences 3600-3800 MHz destinées à la 5G ;
Article 4 : De demander au Gouvernement fédéral et au Gouvernement wallon d’instituer un moratoire sur la 5G aussi longtemps que les études visées à l’article 1 n’ont pas prouvé clairement la non-nocivité de la 5G sur la santé et sur l’environnement ;
Article 5 : D’interroger les ministres de l’Environnement, de la Santé et de l’Economie du Gouvernement wallon sur les mesures prises pour garantir le respect de l’évaluation préalable des incidences environnementales et en termes de santé publique, d’efficacité économique, de sécurité des données et de respect de la vie privée, du déploiement de la 5G conformément à la déclaration de politique régionale wallonne 2019-2024.
Article 6 : D’interroger l’Autorité de protection des données sur les mesures prises pour garantir la sécurité des données et le respect de la vie privée dans le cadre du déploiement de la 5G ;
Article 7 : D’exiger de Proximus d’investir prioritairement dans le développement de la fibre, spécialement dans les communes rurales mal équipées ;
Article 8 : De déclarer qu’il n’est pas acceptable que le pouvoir communal, le plus proche du citoyen, soit laissé dans l’ignorance et délesté de ses prérogatives dans des matières aussi importantes en termes de santé et d’environnement.
Article 9 : D’organiser un débat citoyen sur la 5G et ses multiples enjeux (sanitaires, environnementaux, énergétiques, urbanistiques, sécuritaires, sociétaux…) afin de permettre aux habitants de s’informer et d’exprimer leur point de vue par rapport à l’éventuel déploiement de cette nouvelle technologie.
Le projet de délibération complet
LE CONSEIL COMMUNAL
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation;
Vu l’article 23 de la Constitution consacrant le droit à la protection de la santé et le droit à la protection d’un environnement sain ;
Vu le principe de précaution consacré, notamment, par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et par la déclaration de Rio,
Vu l’avis de l’Agence européenne de l’environnement (AEE) publié le 17 septembre 2007 qui alerte «sur « les risques liés à l’exposition aux rayonnements provenant des appareils du quotidien » même si le niveau d’exposition est bien inférieur aux valeurs limites de l’ICNIRP (International commission non-ionizing radiation protection), concluant qu’ « il y a de nombreux exemples par la passé de la non application du principe de précaution qui ont eu pour résultats des dommages graves et parfois irréversibles pour la santé et l’environnement » et que « des expositions nocives peuvent se répandre largement avant qu’il n’y ait d’explications scientifiques des mécanismes biologiques » ;
Vu la résolution du Parlement européen du 2 avril 2009 sur les « Préoccupations de santé associées aux champs électromagnétiques » ;
Vu le rapport du 31 mai 2011 réalisé par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé, classant les radiofréquences comme potentiellement cancérigènes pour les humains ;
Vu la résolution, 1815 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, adoptée le 27 mai 2011, recommandant aux Etats membres l’application du principe « ALARA » (as low as reasonably achievable), c’est-à-dire du niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre, prenant en compte non seulement les effets dits thermiques mais aussi les effets athermiques ou biologiques des émissions ou rayonnements électromagnétiques ;
Vu que d’après cette même résolution, le principe de précaution devrait s’appliquer lorsque l’évaluation scientifique ne permet pas de déterminer le risque avec suffisamment de certitude, compte tenu notamment de l’exposition croissante des groupes les plus vulnérables, comme les personnes âgées, les jeunes et les enfants ;
Considérant l’impact du développement de la 5G sur l’augmentation de la consommation énergétique (près de 9x);
Considérant que le Conseil de l’Institut Belge des services Postaux et des Télécommunications (IBPT) a organisé du 23 mars au 24 avril 2020 une consultation concernant les projets de décision sur l’octroi de droits d’utilisation provisoires dans la bande 3600-3800 MHz, en vue du développement de réseaux 5G par les 5 opérateurs retenus ;
Considérant qu’en l’absence de gouvernement fédéral de plein exercice (et l’absence d’accord avec les Communautés), l’IBPT a dans sa communication du 31 janvier 2020 invité les opérateurs à se porter candidats à des droits d’utilisation provisoires pour un déploiement initial de la 5G en Belgique dans la bande 3600-3800 MHz, que le 23 mars, en plein confinement, il a annoncé une consultation publique devant s’achever le 24 avril et ensuite la prise des décisions individuelles d’octroi des licences provisoires pour le déploiement de la 5G au profit des cinq candidatures valablement reçues ;
Considérant que cette procédure d’exception est critiquable au plan juridique et au plan de l’intérêt général ;
Considérant en effet que la vente des licences aurait dû faire l’objet d’une procédure définie par Arrêtés royaux, ce qui avait d’ailleurs été initialement préparé ;
Considérant que cette utilisation très élastique de la loi est d’autant plus critiquable que le gouvernement était en affaires courantes et qu’il s’agit d’ouvrir de nouvelles bandes de fréquences et d’autoriser pour lancer la 5G la mise en œuvre d’un ensemble de nouvelles technologies pour lesquelles les informations manquent ;
Considérant que l’enquête publique semble seulement avoir été diffusée via le site de l’IBPT, sans aucune publicité ou publication externe, sans information des communes ou de la population ;
Considérant que cette enquête semble ne viser qu’un public d’initiés intéressés à l’octroi des licences et non le citoyen et que l’objectif principal de la consultation publique, le déploiement d’une première phase de 5G, ne figure ni dans l’annonce, ni dans l’intitulé des documents qui sont disponibles dans le cadre de cette consultation ;
Considérant que les documents soumis à enquête publique sont difficilement accessibles et surtout ne fournissent pas les informations pertinentes dans le cadre de cette phase de déploiement de la 5G si ce n’est pour permettre aux opérateurs d’apporter des observations techniques aux projets de décisions individuelles ;
Considérant qu’aucune évaluation des incidences n’a été réalisée concernant le déploiement de la 5G, ni au niveau européen, ni au niveau belge ;
Considérant que selon le Conseil d’État l’acte qui définit le cadre dans lequel peut être autorisée la mise en œuvre d’activités à un endroit déterminé constitue un plan ou un programme au sens de la directive 2001/42/CE, que, dans ce sens, la procédure d’exception mise en œuvre par l’IBPT peut être vue comme un plan ou un programme, et qu’il s’ensuit qu’une évaluation des incidences environnementales et une consultation du public auraient dû être réalisées dès le départ ;
Vu l’annonce simultanée de Proximus de déploiement de la 5G dans 30 communes belges dès le 1er avril 2020, Esneux n’en faisant pas partie ;
Vu les réactions citoyennes intervenues dans le cadre de l’annonce du déploiement de la 5G ;
Considérant que la Déclaration de Politique Régionale Wallonne indique que « Le déploiement de la cinquième génération du standard pour la téléphonie mobile (5G) ne peut toutefois se réaliser sans prendre les précautions qui s’imposent. Les nouveaux déploiements technologiques en matière de transmission des données (5G et autres) se feront après évaluation sur le plan environnemental (dont impact sur la biodiversité et la faune), de la santé publique (en se basant notamment sur les études existantes qui analysent les incidences sur la santé des populations exposées), de l’efficacité économique, de la sécurité des données et de respect de la vie privée. La mise en œuvre de la 5G respectera les conditions du décret du 3 avril 2009 relatif à la protection contre les éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les rayonnements non ionisants générés par des antennes émettrices stationnaires » ;
Considérant que de nombreuses études mettent en lumière les impacts de la pollution électromagnétique ou s’inquiètent des effets de la démultiplication de la densité de rayonnement qu’exigerait la 5G et de l’utilisation de nouvelles fréquences et de nouvelles technologies tant sur la santé humaine, la faune, la flore, les prévisions météorologiques ou les observations astronomiques ;
Considérant la nécessité de débattre avant un développement massif de la 5G des choix de société tant en termes social, que de droit à la vie privée, de sobriété numérique pour limiter les impacts sur le climat, l’énergie et les ressources ;
Considérant la décision prise par le Collège en date du 18 mai 2020 d’interroger la ministre de l’Environnement du Gouvernement wallon sur les mesures prises par la Région pour garantir le respect de l’évaluation préalable des incidences environnementales du déploiement de la 5G conformément à la déclaration de politique régionale wallonne 2019-2024, et de lui demander de faire remonter en classe 2 les futures antennes destinées à la 5G ;
Considérant l’imminence de la décision de l’IBPT sur l’octroi de droits d’utilisation provisoires dans la bande 3600-3800 MHz, en vue du développement de réseaux 5G par les 5 opérateurs retenus ;
Vu l’avis favorable du Directeur général ;
DECIDE à l’unanimité ;
Article 1 : De s’opposer au déploiement de la technologie 5G sur son territoire tant que des études approfondies sur ses effets sur la santé humaine et sur l’environnement, menées par des experts indépendants et sur une période suffisante pour offrir le recul indispensable à toute décision réfléchie ne sont pas produites ;
Article 2 : D’exercer au besoin toutes les voies de recours qui s’offrent à lui dans ce but ;
Article 3 : De demander au Gouvernement fédéral d’annuler la procédure lancée par l’IBPT en vue d’octroyer des droits d’utilisation provisoires de la bande de fréquences 3600-3800 MHz destinées à la 5G ;
Article 4 : De demander au Gouvernement fédéral et au Gouvernement wallon d’instituer un moratoire sur la 5G aussi longtemps que les études visées à l’article 1 n’ont pas prouvé clairement la non-nocivité de la 5G sur la santé et sur l’environnement ;
Article 5 : D’interroger les ministres de l’Environnement, de la Santé et de l’Economie du Gouvernement wallon sur les mesures prises pour garantir le respect de l’évaluation préalable des incidences environnementales et en termes de santé publique, d’efficacité économique, de sécurité des données et de respect de la vie privée, du déploiement de la 5G conformément à la déclaration de politique régionale wallonne 2019-2024.
Article 6 : D’interroger l’Autorité de protection des données sur les mesures prises pour garantir la sécurité des données et le respect de la vie privée dans le cadre du déploiement de la 5G ;
Article 7 : D’exiger de Proximus d’investir prioritairement dans le développement de la fibre, spécialement dans les communes rurales mal équipées ;
Article 8 : De déclarer qu’il n’est pas acceptable que le pouvoir communal, le plus proche du citoyen, soit laissé dans l’ignorance et délesté de ses prérogatives dans des matières aussi importantes en termes de santé et d’environnement.
Article 9 : D’organiser un débat citoyen sur la 5G et ses multiples enjeux (sanitaires, environnementaux, énergétiques, urbanistiques, sécuritaires, sociétaux…) afin de permettre aux habitants de s’informer et d’exprimer leur point de vue par rapport à l’éventuel déploiement de cette nouvelle technologie.